Tout l'allant de Jeremy


J'étais, par hasard, à la Beaujoire, lors de ton dernier match avec le FC Nantes. Pendant que le roquet Landreau baclait son tour d'honneur avec l'élégance d'un guichetier blasé, tu esquivais. Tu disparaissais. Je me souviens de ce match sordide (Nantes-Bordeaux
0-1, Darcheville, 79e s.p)

Seules tes passes injectaient des courbes dans ce match asphalté, froid, autoroutier.

Tes passes qui enrobent le rond central comme on caresse une pomme verte, une pomme qu'on rêve de chiper dans le verger de la voisine, tes passes qui rendent la mollesse et la nonchalance plus redoutables que la vitesse, tes passes qui adoucissent la pilule d'un football érigé en machine à cash, tes passes qui sont des virgules, des havres, tes passes panoramiques qui renouvellent l'art d'être Paul Le Guen. On croirait que tu joues sur une moquette pendant que tes coéquipiers piétinent, eux, dans la tourbe. Tu es un joueur de billard entouré de bûcherons : Ca, Oliech, Delhommeau, ou la mort du romantisme canari. Toulalan, faux flan, vrai lent, dernier avatar d'un rêve de fluidité.

J'apprenais quelques jours plus tard que la saison prochaine, tu rejoindrais le clan des m'as-tu-vus qui roulent en Renault Trucks. Je te souhaite de ne pas t'y convertir au réalisme. Et de ne jamais laisser monter Pedretti dans ton truck.

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photo : © fcna.fr.st

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